Commissariat : Joséphine Dupuy Chavanat

Exposition collective

20.06 - 26.07.2024

Communiqué de presse

Dossier d’exposition

A quelques jours de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris, on ne peut détourner les yeux de tous les slogans, citations, hymnes ou devises que nous répètent sans cesse et consensuellement élu.e.s, publicitaires, institutionnels ou athlètes. On y fait l’éloge de l’union et de l’amitié entre les peuples, du dépassement de soi, de la loyauté sans faille et du respect absolu de l’adversaire. Des valeurs bien nobles que l’on a voulu en parallèle faire porter à la culture. Alors que des Olympiades Culturelles sont actuellement organisées pour soutenir le discours officiel de la célébration du « plus haut, plus vite, plus fort » - auquel on a ajouté « ensemble » pour plus d’inclusion -, l’exposition Palmarès vient interroger ces valeurs olympiques à travers son trophée emblématique : la médaille.

Objet triomphant infiniment convoité du mérite et du succès (Delphine Dénéreaz, Bella Hunt & DDC), la médaille incarne les prouesses sportives tant admirées, en repoussant les limites de l’imagination (Brankica Zilovic, Morgane Ely). Si on en revient à l’objet antique comme parure (Chloé Royer) et à ses origines étymologiques – de Tropaeum, la dépouille d’un ennemi vaincu – elle est le point de rencontre de la guerre et du sport, deux mondes qui alors s’entrechoquent. La rivalité provoquée par le duel de deux déesses (Hermine Bourdin) illustre les contradictions inhérentes aux Jeux Olympiques contemporains, comme les deux faces d’une même médaille. Hérauts de notre société, les artistes ont pour beaucoup mis en lumière les contradictions de cette compétition sportive, à l’image d’une boussole déréglée (Margot Pietri). A partir de la coexistence parfois antinomique des matériaux utilisés, comme le béton et la laine ou les pierres semi-précieuses et l’intelligence artificielle, les artistes révèlent tantôt la fragilité corporelle des athlètes poussés à l’extrême (Floryan Varennes), tantôt l’impact environnemental d’une manifestation sportive de cette ampleur (Anne Horel). Telle un Icare aux ailes brûlées à vouloir se rapprocher trop près du soleil, l’exacerbation de la compétition pousse à tous les excès, venant anéantir les rêves de celles et ceux laissés aux pieds du podium (Jonathan Brechignac), ou parasiter la fameuse rengaine « l’important c’est de participer » (John Fou).

Résine, velours, céramique, tissus ou acier remplacent ici l’or, l’argent et le bronze, tous trois issus d’éléments organiques de même nature. Si certains ont décrit l’unité formelle et idéelle de la médaille à partir d’une multitude de fragments (Paul Créange), d’autres ont choisi des matériaux pour leur histoire socio-politique particulière. Ainsi, le wax allié au pagne marque en Afrique l’empowerment féminin (Amandine Guruceaga), et le chocolat – denrée importée d’Amérique latine au XVIIIe siècle, rend hommage aux athlètes issu.e.s des colonies trop souvent invisibilisé.e.s (Ismaël Bazri). Certain.es artistes convoquent la touche sucrée et gourmande pour symboliser la récompense après l’effort (Philippine de Salaberry). D’autres encore ont perçu l’accueil des JO à Paris comme « la cerise sur le gâteau », situation ubuesque au vu du déplacement des populations les plus précaires (Alice Guittard), et l’ont incarné en une vulgaire part de pizza aux ingrédients sociaux, politiques et économiques particulièrement déviants dans ce contexte (Héloïse Rival).

Alors cette médaille, on la consomme à défaut de la mériter (Louis Verret). On la consomme à en avoir mal au cœur. Elle devient médaille de la honte d’un système capitaliste qui impose au monde son tropisme pour la concurrence et l’individualisme (Charlie Aubry). Une médaille du fiasco total et de la défaite absolue qui vient récompenser les échecs répétitifs et collectifs de notre société aveuglée (Lou Cohen). Aveuglée et surveillée par le fantasme et l’emballement sécuritaire mis en place par les autorités (Léonard Martin). On peut alors, comme Ulysse, crever l’œil au regard unique du Cyclope, ou bien l’éblouir avec un rayon du soleil reflété dans l’étain pur d’une médaille. L’œil et le soleil confondus peuvent désormais laisser place à la lumière lunaire, celle qui dénonce l’homophobie et le masculinisme encore (trop) présents dans le sport (Michel Jocaille), bien qu’un rééquilibrage et un espoir d’équité semble se profiler (Letizia Le Fur). Là interviendrait le succès d’un rituel qui se voudrait catalyseur symbolique, destinée à laisser place à une nouvelle ère de transformation et d’évolution pour l’humanité (Shiteevee). Car les artistes peuvent décider d’abolir ce monde dominé par la pensée néodarwinienne au profit d’une collaboration symbiotique entre les êtres du présent (Lucien Murat, Delphine de la Roche) et du futur (Camille Astié). Pour cela, il faut peut-être que des médailles messagères circulent, telles des au revoir funèbres aux traditions passées, pour renouer avec le plaisir du sport et de ses aléas. Et pour respecter, enfin, le corps physique et social et son environnement.

Joséphine Dupuy Chavanat

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