Amandine Guruceaga

Group Show⎜Palmarès ⎜20.06 - 26.07.2024

Solo Show ⎢HEALING SURFACES ⎜du 12.10 - 11.11.2023

Art Fair - Barcelone⎜SWAB 2023 ⎜5.10 - 08.10.2023

Group Show ⎢PLURIEL⋅LES ⎜du 15.03 - 08.04.2023

@Allyssa Heuze

Amandine Guruceaga, née en 1989, vit et travaille à Marseille. Son travail est un éloge du faire, un rapport physique, intime à la matière.

L’artiste malmène et caresse le métal, le tissu, les peaux. Elle se joue des frontières entre l’art et l’artisanat, l’organique et la technique, pour mieux explorer les processus de fabrication et l’histoire socio-économique des matériaux.

Diplômée de l’École supérieure des Beaux-Arts de Marseille en 2013, Amandine Guruceaga installe la même année sur la plage du Prado une commande publique, Mirador balnéaire, dans le cadre de Marseille-Provence 2013 (Marseille Capitale européenne de la culture). Son premier solo show Nana Benz à Diagonales 61 s’articule autour de ce surnom donné aux femmes togolaises qui ont dominé le commerce de la mode et du tissu en Afrique de l’Ouest dans les années 1970 et 1980. Cette exposition préfigure sa fascination pour la migration des formes et des motifs, à travers notamment les wax colorés qu’elle altère, efface et révèle dans ses sculptures. En 2014, elle passe trois mois en résidence d’échange aux Glasgow Sculpture Studios, où elle se saisit du tartan écossais et produit un ensemble de sculptures montrées lors du solo show Wupu Beach Bang à la Pipe Factory. À son retour, elle cofonde TANK, à Marseille, un artist-run space, lieu de production et de diffusion où sont invités des artistes. En 2016, elle est co-commissaire de Raoul Reynolds : une rétrospective, exposition double volet présentée lors du festival Glasgow International et à la Friche la Belle de Mai. Elle a présenté ses œuvres à la galerie Quadrum à Lisbonne, à la villa Arson dans le cadre de RUN RUN RUN, ou encore à Mains d’Œuvres à Saint-Ouen. En 2018, lors de son solo show à la galerie Montéverita elle présente l’aboutissement de ses recherches sur le cuir développées durant sa résidence LVMH Métiers d’Art et plus récemment lors des Révelations Emerige et du Salon Montrouge. Amandine Guruceaga initie un ensemble d’œuvre protéiforme, passant de la sculpture à l’installation, de l’objet précieux au projet dédié à l’espace public comme par exemple dans le cadre du programme «1 immeuble-1 œuvre»  en 2022 elle livre 3 ensemble de sculptures pour le programme immobilier La Transat à Marseille.

  • 2023

    Healing Surfaces, Galerie Julie Caredda, Paris

    2019

    Lady Rosebud, stand Art-O-Rama, rendu de la résidence Compagnie Fruitière, Côte d’Ivoire.

    2018

    Colour Sparks, dans le cadre des résidences LVMH Métiers d’Art, Monteverita, Paris

    Précipité, duo-show avec Tom Giampieri, Espace à vendre, Nice

    2016

    Nè, duo-show avec Catarina de Oliveira, Printemps de l’Art contemporain, Tank, Marseille

    Devouring what is Contiguous, duo-show Galeria Quadrum, Lisboa, Portugal

    2014

    Wupu Bleach Bang, The Pipe Factory, Glasgow, UK

    2013

    Nana Benz, Galerie Diagonales 61, commissariat Pedro Morais, Marseille

  • 2024

    Palmarès, commissariat Joséphine Dupuy Chavanat, galerie Julie Caredda, Paris

    2023

    « Caca Bleu Véritable » Moly Sabata, Sablons, commissaire Joël Riff, Lyon

    After Maths, Galerie mazzoli, comissariat Lucia Longhi, Berlin

    2022

    «Plongez dans la couleur» Musée d’art contemporain de Montélimar

    «Private Salon» Show LVMH La Samaritaine, Paris

    «SAGA» La Station, Nice

    «Peinture au mètre» Galerie Espace à Vendre, Nice

    2021

    «Exposition 100%» - La Villette Paris - Sculpture monumentale dans l’espace public

    « Bons Baisers de Nice» Galerie Espace à vendre, Nice

    Spring Show X Paris, Espace temporaire Babylone Immo, Paris

    2020

    «Soft Power» - Hôtel de Gallifet - Manifesta 13, Aix en Provence

    « Street Trash : l’effet spécial de la sculpture », Friche la Belle de Mai, Marseille

    2019

    Sculpture publique Festival Lieux Mouvant, Le Grand Launay, Bretagne

    «Tekhnè» Cité de la Mode et du Design, Paris

    «Mutagénèse» Maison R&C Commissaires-priseurs, commissariat N.De Ribou&J.Thomas, Marseille

    Sélection 64ème Salon Montrouge, Le Beffoi, Paris

    «Le grand détournement» Galerie Ceysson Benetiere, Paris

    2018

    «Outside Our» Prix des Révélations Emerige, Villa Emerige, commissariat Gaël Charbau

    « A rebours » invitation par Annelise Michelson, Lafayette Anticipation, Paris

    « Swab Art Fair » Galerie Double V, Barcelone

    «Formes d’Histoires» Centre d’art contemporain Les Tanneries, Amilly

    2017

    «La saga» galerie Double V, Marseille

    «Prix des Ateliers de la ville de Marseille» Friche la Belle de Mai, Marseille

    «Camera Camera» Salon d’Art Contemporain, Hotel Windsor, Nice

    «Inventeurs d’Aventures» Villa Arson Nice, commissariat Gaël Charbau

    «Based on a True Story» Galerie Derouillon, Paris

    2016

    «Culture Pop Marauders», Mains d’oeuvres, Saint Ouen, commissariat Benoît Lamy de La Chapelle, In Extenso

    «Run Run Run» Centre d’Art de la Villa Arson, Nice

    «Raoul Reynolds : une rétrospective» Friche la Belle de Mai, Marseille

    «Saga» sur une invitation de Rafaela Lopez, ART-O-RAMA salon international d’Art contemporain Marseille

    «Okay Confiance Festival» Atlantis espace de la collection Sébastien Perret, Marseille.

    «Raoul Reynolds : a retrospective» Scotland Street School Museum, pour «Glasgow International »

    2015

    «Early Works Meets Appartement» Appartement 27bis, commissariat Thimothé Chaillou, Paris.

    «Utopia» Les charpentiers de la Corse, Ponte Leccia, Corse.

    «The Kaowkovsky Institute Museum» Festival du Printemps de l’Art Contemporain, Marseille.

    «Studio galerie» Friche la Belle de Mai, Marseille.

    2014

    «François Villon, Coeur à vif» Collège F.Villon, Paris.

    «Arts Ephémères», parc de la maison blanche, Marseille.

    «Volet 1», exposition des diplômés, galerie Hors-les-Murs, Marseille.

    2013

    «Sculpture Synchronisée» happening

    «Des corps compétents», commissariat Arnaud Labelle-Rojoux, Villa Arson, Nice

    2012

    «VS», galerie Hfg Offenbach/Satellit, Berlin

    «Les Mariannes», espace Villeneuve Bargemon, commissariat Anita Molinéro, Marseille

  • 2023

    Commande soleieia de Bouygues Immobilier, Marignane

    Commande « Page Blanche » de la Matmut pour l'hôtel Hyatt, Rouen

    2022

    Commande publique Bouygues immobilier, Istres Commande publique 3 sculptures pour les 3 halls de la Transat, 1 immeuble - 1 oeuvre

    2021

    Commande Centre d’Art Vent-des-Forêts en partenariat avec l’IRCAM Centre Pompidou Finaliste de l’Art dans la Ville de Montrouge, sculpture publique

    2019

    Le Guide, sculpture in situ, Lieux Mouvants, Lanrivain, Bretagne

    2013

    Sculpture publique, Mirador Balnéaire «Rendez-vous au(x) David(s)», Mairie du 6e et 8e arrondissement, Marseille capitale de la culture européenne, durée 1an, plage du Prado

  • 2021

    Résidence Collection Yvon Lambert, Avignon

    Finaliste Prix MAIF pour la sculpture Lauréate du programme «Traversées » Ministère de la Culture

    2019

    Résidence internationale de la Compagnie Fruitière, Fraeme, Côte d’Ivoire

    2018

    Résidence Vent des Forêts, Meuse

    2017

    Résidence LVMH Métiers d’Art à la tannerie Riba Guixa, Espagne

    2016-2018

    Résidence des Ateliers de la Ville de Marseille

    2015

    Résidence Les Charpentiers de la Corse, Ponte Leccia, Corse

    2014

    Résidence d’échange Triangle France, à Glasgow Sculpture Studios, Ecosse

    2012

    Lauréat, second prix du concours «Les Mariannes», Ville de Marseille

  • 2013 : DNSEP avec les félicitations, École supérieure d’Art et de Design Marseille Méditerranée

    2010 : DNAP avec mention du jury, École supérieure d’Art et de Design Marseille Méditerranée

  • Co-fondatrice et Co-directrice de TANK depuis 2014 (Artist-Run-Space, Marseille) :

    2020

    Street Trash : L’ effet spécial de la sculpture, Friche la Belle de Mai, Marseille

    2016

    «Raoul Reynolds : a retrospective» co-commisariat Francesca Zappia, avec Stéphanie Cherpin, Sandro Della Noce, Guillaume Gattier, Amandine Guruceaga, James McLardy, Helen de Main, Benjamin Marianne, Douglas Morland, Philippe Murphy, Bobby Niven, Alys Owen, Emilie Perotto

TEXTES

“Amandine Guruceaga se joue des mouvements entre le dedans et le dehors pour explorer des peaux mémoires. Le travail de la couleur, la lumière et des effets de mutations des matériaux, donne à voir sous et sur les surfaces-membranes. Du fragment de squelette à la scarification, l’artiste explore le visible et l’invisible. La série Healing Surfaces innerve des questions d’effacements et de révélations, de persistance et de résistance.”

Julie Crenn

  • L’écriture plastique d’Amandine Guruceaga trouve ses origines dans l’atelier d’émaillage de métaux de ses parents dans le Var, dans les salles du musée d’art moderne et contemporain de Nice, dans l’atelier d’Anita Molinero à l’école d’art de Marseille, dans les ateliers des artisan.es rencontrées lors de différentes résidences et temps de collaboration. Les rencontres participent d’une expérimentation nécessairement continuelle. L’artiste choisit des matériaux spécifiques (textiles, métaux, cuirs) qu’elle va transformer selon différents gestes et outils : teindre, décolorer, graver, découper, plier, déplier, fondre, brûler, oxyder, empiler, dissoudre. Elle travaille la matière pour en dépasser les limites et obtenir des translations optiques étonnantes où le cuir translucide devient textile, le textile décoloré devient vitrail, le métal oxydé se fait aquarelle. Amandine Guruceaga déploie des potentialités matérielles et plastiques qui nourrissent sa recherche aussi formelle que picturale. Les altérations métamorphosent la matière qui adopte une signification nouvelle. Dans son atelier, véritable laboratoire alchimique, elle transcende les territoires dont il n’est plus nécessaire de penser séparément. Dans une perspective de soin et d’alliance, elle réconcilie les histoires, celle de la peinture, celle de la sculpture, celle de l’art, celle de l’artisanat.

    Aux binarités sclérosantes, Amandine Guruceaga fait le choix d’une écriture plastique fluide et réparatrice. La série Healing Surfaces manifeste de cette ambition. Les bas-reliefs au mur et les volumes dans l’espace résultent d’une pluralité de gestes et de décisions. Les œuvres sont en effet les fruits d’une longue recherche et de multiples expériences. Pensées comme des collages de matériaux et de couleurs, elles conjuguent l’acier, le textile et le laiton (alliage de cuivre et de zinc). Ce n’est pas l’opposition, mais bien la complémentarité des matériaux que l’artiste met à l'œuvre. Les bas reliefs, semblables à des vitraux, sont formés de motifs qui composent un alphabet personnel : des croix, des carrés, des morphologies liquides, des lignes ondulantes et entrelacées, des formes aussi rhizomiques que musculaires, des auréoles, des éléments osseux, minéraux et architecturaux. Les motifs combinent des écritures pariétales, ancestrales, décoratives, modernes et actuelles. Animée par un besoin de polychromie, Amandine Guruceaga est en quête d'aberrations chromatiques. Les couleurs résultent de teintures qui reprennent les techniques du tie and dye. Tout comme le travail réalisé au chalumeau, les teintures artisanales confèrent aux œuvres une dimension irisante et psychédélique. Une aura surnaturelle ou irréelle qui participe du soin, de la réconciliation et de la transcendance des corps dont l’artiste travaille l’épiderme infini.

    L’artiste manipule les éléments pour les conjuguer. Elle fabrique ainsi des rencontres entre le feu et les fluides (la javel, les teintures), entre le métal et le textile, entre le mou et la rigidité, entre l’organique et le chimique. Par la brûlure et l'imprégnation, les couleurs à la fois douces et souterraines proviennent de l’intérieur des matériaux. Amandine Guruceaga articule des paradoxes où les altérations participent de révélations chromatiques, formelles, métaphoriques et mystiques. Why are you on the other side? Chaque matériau et chaque geste impliquent une charge symbolique qui nous invite à une exploration des formes. Ces dernières sont souvent liées aux corps humains, animaux, végétaux, mais aussi aux corps liquides. Ces corps insaisissables sont gorgés de mouvements. Ils manifestent la constante métamorphose du vivant : dans sa part visible comme dans sa part invisible. Emanuele Coccia parle de jeux de vie : “des configurations instables et nécessairement éphémères d’une vie qui aime transiter et circuler d’une forme à une autre.” Motivée par la promesse de mutations infinies, l’artiste active les circulations, les translations et les transformations pour multiplier les potentialités gestuelles et formelles. Par là, la sculpture qui hybride le tissu, le cuivre et la mousse de polyuréthane semble s’extirper des œuvres murales pour s’installer dans l’espace. Les motifs liquides et organiques prennent corps et s’autonomisent vis-à-vis du mur. L'œuvre poursuit l’inévitable mouvement de la création en se dotant d'une dimension physique. “La métamorphose est à la fois la force qui permet à tout vivant de s’étaler simultanément et successivement sur plusieurs formes et le souffle qui permet aux formes de se relier entre elles, de passer l’une dans l’autre.”

    La surface est une peau, la matière fragile qui sépare l’intérieur de l’extérieur. Water Window. La surface est aussi un portail ou une fenêtre à travers laquelle d'autres existences, d’autres réalités, d’autres corps semblent exister. Amandine Guruceaga se joue des mouvements entre le dedans et le dehors, notamment par un truchement optique de type radiographique. Elle raconte à ce propos que lors de la manipulation du cuir d’agneau avec des tanneurs espagnols, elle a été fascinée par l'empreinte des cages thoraciques dans le cuir. La peau de l’animal, véritable matière mémoire de forme, est marquée du squelette qu’elle a protégé. Un motif vertébré que l'artiste prolonge sur le tissu et le métal. En travaillant la couleur, la lumière et les effets de mutations des matériaux, elle nous donne à voir sous et sur les surfaces-membranes. Du fragment de squelette à la scarification, elle explore le visible et l’invisible. Your scar is a line. Tout est ici question d’effacements et de révélations, de persistance et de résistance. La violence y est aussi très présente du fait d’accidents et de gestes convulsifs qui laissent sur leur passage des ecchymoses et des cicatrices qui viennent augmenter les motifs. Ces traces nous indiquent ce qui existe sous la peau-surface : la violence avec laquelle l’humanité s’est fondée. Une violence systémique qui engendre des dogmes autoritaires, des catégorisations obsolètes, une pensée binaire et un ensemble d’aliénations dont Amandine Guruceaga travaille à se défaire par la cautérisation, la suture et le pansement. Une lutte qui trouve une forme de guérison au moyen d’une magie aussi personnelle que flamboyante.

  • Porter une fleur de mariage », surveiller « l’œil de ma rivale », apparaître en « Génito », dire « chérie ne me tourne pas le dos », sont autant de messages envoyés aux proches, à un mari, à la société en général dès lors que l’on souhaite se marier, quand on éprouve les affres de la jalousie, si l’on s’affirme comme force de la nature et géniteur fantasmé ou encore lorsque l’on réclame de l’amour et de l’attention.

    Ces mots, ici couchés sur le papier, sont les significations données à des motifs dupliqués sur les waxs. à chaque textile son dessin sui generis porteur de message. Arborer telle étoile plutôt que telle autre est une manière d’affirmer son état d’esprit, son envie, son urgence et sa culture.

    La communication prend parfois des chemins singuliers et Amandine Guruceaga, dès les prémices d’une œuvre en train de se faire, relève, dans la singularité des chroniques relatant la puissance du wax, d’abord britannique, puis largement néerlandais alors que commercialisé en Afrique Subsaharienne, le creuset d’une histoire des hommes et de leurs relations de pouvoir. Intitulé Lady Rosebud, le projet protéiforme d’Amandine Guruceaga est né de sa résidence passée en Côte d’Ivoire, au cœur du domaine de Tiassalé, le titre étant une citation au bateau convoyeur de marchandises qui relie le continent africain à l’Europe.

    L’artiste associe les tissus, messagers de l’intime, aux grilles nommées fort justement les « anti-vols », qui sont apparus sur les façades des nouvelles villes coloniales d’Afrique afin d’en protéger les occupants tout en affirmant leur richesse, en contraste aux architectures vernaculaires largement ouvertes à la communauté.

    L’assemblage du métal au tissu, du motif apparu d’abord par l’effort des soudeurs, les structures métalliques affichant fièrement leurs missives, lesquelles, couplées au wax lui-même, présentent leur message comme altéré, produisant une forme de vitrail hybridé, un mixage de matériaux en forme de bas-relief, une alchimie ajourée, un objet hésitant entre son utilité et sa préciosité, une anomalie.

    Lady Rosebud, série d’œuvres ici présentées, s’approprie une forme modifiée, d’habitat traditionnel, où les papeaux (papo) qui leur sont empruntés emportent le visiteur au cœur du vernaculaire. « L’histoire est inscrite dans la matière » nous dit Amandine Guruceaga, et Lady Rosebud de nous raconter celle de sa résidence, du travail réalisé en collaboration avec les mécaniciens du domaine de Tiassalé, de cette rencontre avec un territoire plus vaste encore que constitue le paysage de Côte d’Ivoire, habité par des femmes et des hommes, incarné dans une culture puissante et héritière des soubressauts du passé. L’échange a eu lieu, une alchimie, qui ne dénature en rien mais plutôt déplace, s’est opérée par la lente élaboration des formes et des matières, elle est ainsi fidèle à sa pratique.

  • Il y a chez Amandine Guruceaga une pratique quasi paradoxale, tenant à des conditions de clôture et d’ouverture de la matière, si contrainte à la transformation qu’elle n’est identifiable que par transparence - analogie - ou opacité - imaginaire. Ce pouvoir pourrait tenir au miroitement trompeur du baroque, à ses plis et replis, au déploiement des formes faites pour un regard captif de ses mystères. L’éclat, traversant des peaux de bête aux couleurs de chlorophylle acide (Myth tartar, 2017) ou des tissus résinés à l’appellation fongique (Lichen, 2016), naît de montages et mythologies, du pouvoir d’étonnement philosophique que les œuvres suscitent, à la manière du mythe tartare : agneau légendaire, né d’une plante.

    Cette union de règnes exogènes, étrangère aux catégories - l’animal, le végétal, le minéral - mêle, comme dans un tiraillement, une variabilité des matières organiques et une immuabilité des matières inertes. Le rose normé du jambon de porc, révélé par une délicate cuisson sur des formes de céramiques, rencontre dans Age of bacon des découpes patronnées, sur un portant tenant du présentoir de boucher comme du dressing. Par coprésence des êtres et des choses, se révèle une « totalité-monde dans sa diversité physique et dans les représentations qu’elle nous inspire », nourrie de la pensée d’Édouard Glissant. Ces manières de saisir une réalité qui « nous échappe comme compréhension et comme concept » formulent un nouveau récit du devenir du vivant, par le travail de métaux, du feu, de peaux et de cuirs dont l’artiste fait l’aveu de la vie, constat de la dégénérescence en cours, et négation de la finitude.

  • Sonder la matière, l’amincir, jusqu’à mettre à jour les stigmates de son histoire, les inscriptions qui témoignent de sa relation au monde, de sa relation à la main de l’artiste en constante négociation, avec elle. Tissus délavés, cuirs translucides, lames de métaux brûlés... Les sculptures d’Amandine Guruceaga sont le résultat d’alchimies en quête d’états limites de matériaux ordinaires. C’est alors sous la figure tutélaire de l’étrange et de l’étranger qu’ils reviennent investir notre espace, pour nous poser leurs énigmes, renouvelées.

    Amandine Guruceaga a commencé par travailler le wax, ce tissu africain originellement développé par les colons afin d’en faire commerce, le décolorant afin de faire apparaître les « réactions » de la matière, les motifs qui par endroits disparaissent ou, au contraire, persistent. Elle a depuis produit des séries de cuirs translucides tels des vitraux – résultat obtenu à l’issue d’une résidence à la tannerie Riba Guixà. Sur ces peaux apparaissent les veines, ossatures et cicatrices de l’animal, vergetures que favorise l’élevage intensif dont il a fait l’objet. « L’histoire est inscrite dans la matière », souligne l’artiste. Amandine Guruceaga, dans un geste d’abord de révélation, de soin, la déplace. Là, des peaux aux teintes chlorophylle, prises dans leurs caissons lumineux comme entre les lamelles d’un biologiste, semble proposer une synthèse de l’ordre organique, animal et végétal (série Myth Tartar, 2017). Ici, les multiples couleurs d’un patchwork de cuirs se superposent au centre de la composition, avant de se déployer autour de ce vortex centrifuge : elles entrent en relation, comme sur la palette du peintre (Acid Mix Pergamine I, 2017).

    « La relation, c’est notre manière de se changer en échangeant avec l’autre, sans se perdre, ni se dénaturer » , a déclaré l’auteur et philosophe Édouard Glissant, souvent cité, à raison, face au travail d’Amandine Guruceaga. Sa sculpture Su lengua afilada (2017) agence ainsi un pan de cuir transparent et une fine languette d’acier aux contours inégaux et moirés brûlés par la flamme d’un chalumeau – autre exercice que l’artiste affectionne – qui lui sert de support. Une esthétique tout en contrastes, entre massivité et instabilité, tranchant et fragilité. On pense alors au troisième lieu qu’est l’intime, selon le philosophe François Jullien, cet au-delà indéfinissable où se constitue la rencontre, irréductible aux identités qui la composent. De même, le travail d’Amandine Guruceaga semble se jouer des frontières, entre peinture et sculpture, entre art et artisanat.

  • « Comme les découvertes scientifiques, l’invention artistique découle de l’irruption d’un caillou dans la chaussure de l’habitude. »

    Non pas lisse mais « toute couverte d’aspérités, recoins, replis, cavernes », faite de textures hétérogènes, oscillant entre intérieur et extérieur comme les circonvolutions d’un ruban de Moebius. Dès les premières lignes de l’Economie Libidinale de Jean-François Lyotard apparaît cette image d’une surface organique. Semblable à une peau ou à une membrane, celle-ci se serait absoute de son attache à tel ou tel corps individuel pour devenir une réalité autonome. Vibrante d’intensité, l’évocation est de celles qui restent en tête, plus ou moins enfouies, plus ou moins tapies dans l’ombre. Puis, un jour, une rencontre la réveille : l’image textuelle, on la voit enfin ; elle s’incarne dans une réalité matérielle qui semblait n’attendre qu’elle. Cette rencontre, c’est la découverte des œuvres d’Amandine Guruceaga où dialoguent, à même la surface, planéité et volume, couleur et motif, matière et image. (...) Au sein d’un paradigme éprouvé, Amandine Guruceaga instaure alors ce que l’épistémologie qualifierait d’« anomalie ». Ce terme est celui que l’on retrouve sous la plume du philosophe Thomas Kuhn à propos de « la structure des révolutions scientifiques », titre de son ouvrage éponyme du mitan des années 1960. A l’intérieur d’un contexte donné, ces anomalies, désignant des énigmes partiellement ou non résolues, éveillent la conscience d’un hors-champ. Parce qu’elles mobilisent des savoirs externes plus empiriques voire absolument non rationnels, elles répondent à des questions que personne, jusqu’ici n’avait même pensé formuler. Par conséquent, l’énigme bouscule également la position dominante de la théorie ou du raisonnement au sein duquel elle fait irruption. En modifiant un paramètre du processus habituel, l’artiste obtient un résultat inédit qui, tout en validant le procédé employé jusqu’ici, en élargit le champ des possibles.

    Comme les découvertes scientifiques, l’invention artistique découle de l’irruption d’un caillou dans la chaussure de l’habitude. Une même forme, une même réalité, peut être appréhendée différemment selon l’élément sur lequel on se concentre. Récusant l’alternative binaire entre art et artisanat, création et technique, les peaux baroques et changeantes d’Amandine Guruceaga, d’un violet moiré ou d’un vert chlorophylle, ouvrent sur une réalité nouvelle. Car plus on les observe, plus elles nous semblent habitées d’une présence quasi-ésotérique. Là, les règnes animal et végétal se réconcilient au sein d’une vaste synthèse. Cet esprit légèrement fantastique planant sur l’ensemble des œuvres, on ne le doit pas uniquement à l’immersion cinq mois dans le microcosme de la tannerie, un univers en soi. En se plongeant dans l’histoire du cuir, l’artiste découvre l’existence d’une légende oubliée qui lui servira d’ancrage imaginaire : l’agneau tartare, un zoophyte légendaire mi-plante, mi-agneau qui fascinera également l’écrivain Jorge-Luis Borgès, tant et si bien qu’il l’inclura à son Livre des êtres imaginaires. Telle est bien la qualité des œuvres d’Amandine Guruceaga, organiques et chimériques à la fois, qui révèlent que la perception est une réalité plurielle et réversible comme un gant - ou une peau.

  • Il serait diffcile d’évoquer les œuvres d’Amandine Guruceaga sans photographies à l’appui. Car si elles s’inscrivent globalement dans une esthétique contemporaine, elles ne « ressemblent à rien ». On ne trouve là ni esthétique post-, ni citation, ni interrogation sur, ni oscillation entre le réel et la fiction... Ce qui est certain, c’est qu’on a affaire à de la sculpture, une sculpture informée, certes, mais sans ostentation.

    Edouard Glissant relevait dans la créolisation la qualité principale de nonprédictibilité. De la même façon, la démarche d’Amandine Guruceaga relève de l’imprévisible mais en toute conscience. La plupart du temps, les agencement formels ne sont pas définitifs : les sculptures peuvent être remaniées, reconfigurées selon les circonstances et les espaces où elles sont montrées. Elle utilise parfois des éléments usinés récupérés, mais nombreuses sont les œuvres faites à la main, scrupuleusement travaillées selon des techniques artisanales spécifiques telles que le tournage sur bois, la tapisserie, le carrelage, la céramique, la ferronnerie. Certaines pièces ont un aspect définitif, telles que Sans titre (Somme de tenir), une superposition impressionnante de volumes en bois recouverts de différents tissus, l’ensemble mesurant 3,80 mètres de haut ; ou encore Mirador balnéaire, commande publique placée sur la plage du Prado composée d’acier, de bois et d’une variété de revêtements (faïence, pierre, galet, etc.). A ces monuments qu’on peut dire pleins de grâce, s’ajoutent, en nombre, des sculptures événements qui ne sont pas lestées d’une identité ou d’une fonction fixe. Sans toutefois s’assimiler à de la performance, l’espace d’exposition ressemble alors à un terrain de jeux où ces éléments sans emploi fixe (intérimaires, en quelque sorte) sont en attente d’agencements. Dès lors, les sculptures se ressemblent sans tout à fait être les mêmes et apparaissent, frémissantes, dans un perpétuel inachèvement, rebelles à toute velléité d’inscription.