Anne Horel

Group Show⎜Altaerna ⎜23.11.2024 - 11.01.2025

Group Show⎜Palmarès ⎜20.06 - 26.07.2024

Solo Show ⎜CRÉATURES ⎜du 18.11 - 30.12. 2023

Art Fair - Istanbul ⎜NOISE 2024 ⎜Art Fair⎜17.01 - 22.01. 2024

Art Fair - Barcelone ⎜SWAB 2023 ⎜du 05.10 - 08.10. 2023

Duo Show ⎢IMPROMPTUES ⎜du 13.04 - 27.05. 2023

Group Show ⎢PLURIEL⋅LES ⎜du 15.03 - 08.04. 2023

Anne Horel, née en 1984, vit et travaille à Paris. 

En 2011, elle est diplômée du DNSEP obtenu avec les félicitations du jury à l'ENSAPC. La même année, elle est sélectionnée pour le Salon de Montrouge.

Lauréate d’Audi Talents Awards en 2017, Anne Horel est une artiste numérique multi récompensée, dont la pratique du collage se décline au gré de ses explorations avec l’animation, l'IA, la réalité augmentée et la réalité virtuelle.

Son travail a voyagé dans le monde entier dans des musées (Palais de Tokyo, The Eye Museum, TODA, Max Ernst Museum, Gaîté Lyrique, Friche Belle de Mai, Le 104, NFT Factory, Le Bel Ordinaire), foires (Art Basel Miami, SPRING/BREAK Art Show), galeries (Galerie W, Avant Galerie, Galerie Charlot) et Festivals (212 Photography à Istanbul, Minato AR Festival à Yokohama, Festival de la Imagen à Bogota, Nuit Blanche à Paris, la nuit des musées à Amsterdam, le KIKK à Namur, AWE à Lisbonne).

Ses collages sont à la frontière du surréalisme, du pop art et du maniérisme qui rappellent l’univers de Giuseppe Arcimboldo. Elle emprunte ses matériaux à l'iconographie contemporaine, à l'histoire de l'art, la culture pop et internet pour créer des collages digitaux maximalistes peuplés de Créatures étranges, baroques et grotesques.

Ses créations totalisent des milliards de vues sur des plateformes telles que Giphy, Snapchat, TikTok et Instagram, où elle est également partenaire officielle. 

Réalisatrice représentée à l’international par Partizan, elle a également travaillé dans la publicité et les médias avec des clients tels que MTV, Disney, Canal +, Arte, Meta, Twitter, Vine, Giphy, RedBull, Guerlain, Ubisoft, Lego.

"Le Web est à la fois mon lieu de travail et un sujet d'observation. Il me donne matière à réflexion et fournit les matières premières que je transforme en collages de toutes sortes. Partout où la culture subit des transformations, des captures d'écran aux GIF animés, des clips musicaux aux documentaires et des selfies aux filtres Instagram, vous me trouverez en train de prélever des échantillons, de réfléchir à la nature de ces changements, de faire des transformations et documenter la culture de l’instant présent.»

  • 2023

    Créatures, Galerie Julie Caredda, Paris

    CTRL IRL, SickHouse, Enschede, Pays Bas

    2022

    @annehorel, Lavoir Numérique de Gentilly, France

    2022

    @nne #orel, les chemins de la création digitale, Monographie, Istanbul, Turquie

  • 2025

    ​​​​​​​​Festival International du Court-Métrage de Clermont-Ferrand avec DIPS FAKE

    A venir, Dieu est algorithme, La Plateforme, Paris

    A venir Faire monde, Le Cube Garges - Garges-les-gonesses

    A venir Hypercreatures, Max Ernst Museum

    2024

    ​​En cours, Bosch Beyond - Kuehlhaus Berlin, Berlin

    Altærna co-commissariat avec Inès Alpha, Galerie Julie Caredda, Paris

    Mirages, Pavillon Noir, commissariat Brawhaus - Saint-Ouen, France

    TRUE/FALSE, KIKK Festival, Namur, Belgique

    Marais DigitARt, Paris

    Online Art Residency with CivitAi

    16e Nuits Photographiques, Pierrevert, France

    Palmarès, commissariat Joséphine Dupuy Chavanat, Galerie Julie Caredda, Paris

    2023

    MétaHauss, Paris, commissariat Dominique Moulon

    212 Photography Festival, Istanbul, Turquie

    Pepe Fest, Avant Gallery, Paris

    Marais DigitARt, Galerie Charlot, Paris

    SPRING/BREAK Art Show, commissariat par Meghan Doherty, New York, USA

    Project 22, TODA, Dubaï, commissariat par Evgeniya Romanidi

    Xenopaisajes, Festival de la Imagen, commissariat par Rolando Carmona, Bogota, Colombia

    Video Club, Nuit Blanche, commissariat par Dorian Minuit Le Consulat, Paris

    INDIGO, Shape Shift Festival, Sofia, Bulgarie

    IMPROMPTUES, Duo Show, Galerie Julie Caredda avec Albertine Meunier, Paris

    McDo MEME Show, NFT Factory, Paris

    INDIGO, NFT Factory, Paris

    Code Fair, Altman Building, New York City, commissariat par Girls Who Code

    Pluriel·les, Galerie Julie Caredda, Paris

    Festival Anima avec Réalité Cachée, Bruxelles

    Project 22, Art in Space, Dubai

    Mystery Weirdland, Metaverse en collaboration avec GIPHY, Spatial

    2022

    Minato AR Art Festival, Yokohama, Japon

    Palais Augmenté, Effets en Réalité Augmentée, Grand Palais Ephémère, Paris

    NFT MPT, Exposition Réalité Augmentée Collective, Montpellier, France

    Carte Blanche au Lavoir Numérique, Rétrospective, Le Lavoir Numérique de Gentilly, France

    2021

    Cologne Film Festival, Exposition urbaine de GIFs, Cologne, Allemagne

    Mapping Festival, Genève, Suisse

    Cadavre exquis, Overkill Festival - Sickhouse, Enschede, Pays-Bas

    Rainbow End, Creative Coding, Utrecht, Pays-Bas

    Bal Masquémpakt Festival, Utrecht, Pays-Bas

    2020

    Festival Acces)s( - Le Bel Ordinaire - Pau

    Ras les Masques !, Galerie W, Paris

    The Hmm on your Face, EYE Museum, Amsterdam

    Spark AR workshop, Department of Art and Art History, Rhodes College, USA

    Tu viens des Etoiles, Gaîté Lyrique, Paris

    2018

    Chroniques Parallèles, Audi Talents Award, Palais de Tokyo & Friche Belle de Mai, Paris & Marseille, commissariat Gaël Charbau

    2017

    Kikk Festival, Namur, Belgique

    2016

    Further, Faster, Publicist workshop, Milan, Twitter

    2014

    Galerie en ligne, GIF & Vine, commissariat de Ronen Shai & Thomas Cheneseau

    2013

    Young Internet Based Artists, commissariat Anthony Antonellis

    “Gif moi fort, gif moi vrai”, commissariat Caroline Delieutraz, Maxime Marion & Emilie Brout

    2012

    WEEK END 77, Live performance, Galerie Simone, Paris

    À GAUCHE TOUTE ! Live performance, Fête de l’Humanité, La Courneuve

    TAKE ME OUT, Live performance, Espace des Blancs Manteaux, Paris

    Showcase La Chambre à Air, Palais de Tokyo, Paris

    Net / Pas Net, Galerie IMMIX, Paris

    CARTE-UNE ÉDITION, commissariat David Desrimais & Mathieu Cénac, Point Éphémère, Paris

    2011

    Open your web #2, Live performance, La Maison des Métallos, Paris

    Technikart a 20 ans, Live performance, Le Trianon, Paris

    Muséomix, Musée des Arts Décoratifs de Paris

    Open your web, Festival Futur en Seine, Live performance, Le 104, Paris

    Salon de Montrouge, La Fabrique, Montrouge

    2010

    Coup d’E.T.A.T (Ensemble Transversal Artistique Temporaire) - Who’s Next Paris

    Kiss My Pixel #2 pirate La Chambre à Air, live radio, Paris

    2009

    Kiss My Pixel#1, Création du Festival, Concert performance, Péniche Cinéma, Paris

    I’m a floating Being, Concert Performance, Mains d’Oeuvres, Saint-Ouen

  • 2009 DNAP et 2011 DNSEP obtenus avec les félicitations du Jury à l’ENSAPC [Graduated with honors Art Master Degree]

    2006 / 2011 - ENSAPC - École Nationale Supérieure d’Arts de Paris Cergy

    2004 / 2006 - Prep’art - École préparatoire aux Écoles d’Art

  • 2024 - Finaliste Artefact

    2024 - AI Film festival

    2023 - TikTok AR Holidays Filter Challenge

    2022 - TikTok AR Sky Segmentation Hackathon Laureate

    2022 - TikTok AR Halloween Challenge Laureate

    2022 - TikTok AR Fashion Laureate

    2021 - Official Lens Creator Snapchat

    2021 - Music Video Official Selection Hopl’awards

    2020 - Music Video Official Selection Vidéoformes

    2017 - Audi Talents Awards Laureate

    2014 - Documentary Laureate Inrocks Lab

    2011 - Participation au Salon de Montrouge

  • 2024

    - Libération, Anniversaires d’enfants : nos surenchères têtes blondes

    2023

    - Beaux Arts Magazine n° 474, 5 expos sublimes en galeries à Paris à vite voir avant Noël

    - A Paris, l’artiste Anne Horel expose ses “Créatures” et interroge la pop culture NFT

    - Fisheye Immersive, 3 bonnes raisons d’aller découvrir les Créatures d’Anne Horel à Paris

    - Journal LibérationI influenceurs et diététique : des recettes à prendre avec des pincettes

    - Illustration dans le journal Libération - France

    - Article dans Beaux Arts Magazine, Comment l’IA bouleverse l’art ?

    - Couverture du Magazine PHOTO Numéro 555, Anne Horel défie l’intelligence Artificielle pour PHOTO

    2022

    - Couverture du Magazine PHOTO en Réalité Augmentée

    2021

    - GIRLHOOD - Directrice Artistique - Flair Production - Arte

    2019 - 2022

    - Illustrations dans le journal Libération - France

    2016

    - Bratayley Makes History - Directrice Artistique - Maker (Disney)

    2015

    - #EmojinalParisTrip - PARIS NOW! Red Bull Music Academy - Partizan Fr

    6 Second People - Série Documentaire - Canal +

    2014

    - Greetings from MichigAnneHorel - Web série - YouTube

    2013 - 2015

    - Chroniqueuse et Contributrice à L’Œil de Links - Canal +

    2010 -2014

    - La Chambre à Air - Ménestrel numérique - Paris

  • CivitAI, création de pièces physiques

Textes

“Sans doute avez-vous déjà croisé ou utilisé un sticker, un filtre ou un GIF animé, signé Anne Horel ? Présente sur les réseaux, collaborant régulièrement avec les grandes plateformes du Web ou les versions beta des générateurs d’images tel que Dall-e, l’artiste française renouvelle le champ de l’art contemporain de même que la réflexion sur les mémoires du futur à l’heure de l’essor des technologies créatives assistées.”

Manon Zilio

  • Altaerna - L’autre côté du rêve

    Ce n’est sans doute pas un hasard si les artistes présent·es dans l’exposition Altaerna proviennent pour la plupart du son, des soirées techno, queer, drags ou du chant lyrique. Outre la dimension totale des formes d’art que la musique engage chez elleux (composition, performance, création de costumes, montage de clips, diffusion, etc.), ce langage sans frontière s’adresse directement aux corps, aux autres, mais aussi aux altérités radicales des monstres et des fantasmes qui peuplent nos nuits d’ivresse et nos fêtes. Dans ces entre-deux, flux et fluidités en tout genre distordent les contours du moi et de l’individu au profit de communions insoupçonnées.

    Masques et personnages amphibiens, tentaculaires ou bubblegums, sertis de perles, de végétaux, de textures régressives en peluche ou de réversions endoscopiques semblent désigner une humanité numérique liquéfiée, où la liquidité aurait signé sa liquidation. Happés par les algorithmes des GAFAM, les couleurs acidulées des publicités ou les atmosphères éthérées du Vaporwave, ces visages composites débordent leurs conditions minoritaires. Telle la boursouflure de la récursivité algorithmique qui s’autodigère instantanément, ces œuvres tentent (en les relançant parfois) de s’extraire des boucles de capture de la toile. Kitsch, glitch, geek, seapunk, voire rétrofuturiste, à mi-chemin entre Windows XP et OpenAI, elles explorent jusqu’à leur déchirure une esthétique (post-)internet qui compresse jusqu’au délire, ou un trip sous acide, le rêve des entreprises du Web. Comme une plongée kaléidoscopique dans les tréfonds d’un inconscient machinique, les figures se diffractent, réfractent, fractalisent, s’altèrent, alter, alt. R /bugguent dans la matrice du cyberspace en digérant et régurgitant ses normes, ses codes et autres données statistiques.

    Ainsi des « datadéités » — mélanges d’icônes virtuelles et actuelles — d’@annehorel ou du retable de @tiggythorn, réalisé en collaboration avec le photographe Pierre-Marin Delaisi et l’artiste 3D Hasim Akbaba. Chez l’une comme chez l’autre, le sacré et le profane se sont déplacés, inversés, réappropriés ; comme si la valeur culturelle et d’exposition (de soi) recouvrait désormais une certaine valeur cultuelle et rituelle. Tandis que les créatures de la première manifestent une sorte de « noosphère » (1) concrétisée et générée par IA, les masques gorgonéens du second pétrifient et canonisent les flux de visages qui transitent sur les réseaux. Ils médusent littéralement, tel un bouclier contre l’œil panoptique du Web. Sujet et objet d’une observation continue, nous sommes en effet devenu·es les proies d’un capitalisme de surveillance. Enfermé dans une sorte de capsule de laboratoire, le visage-masque d’@inesalpha tente ainsi de reconquérir son image extériorisée, monnayée et diffusée sur les plateformes. Accompagnée, entre autres, de Li Rodagil pour la vidéo et d’Anaïs Borie pour la sculpture, elle sonde les arcanes d’un féminin toujours captif du male gaze de nos sociétés patriarcales. Enfin le rêve récurrent d’une femme cracheuse de poissons chez @boramurmure semble indiquer que nous avons définitivement modifié notre écologie médiatique, au profit d’un monde amphibien (amphi, double, bios, vie), dans lequel nous passons indifféremment d’un milieu à un autre, de l’intérieur à l’extérieur de la matrice. Nous tentons de naviguer dans un continuum fluide, où les flux de données (Data Lake), d’images, de capitaux sont le revers d’une fluidité des genres, des espèces, des matières…

    En valorisant le potentiel d’altération, dont le syntagme renvoie au principe d’altérité, les œuvres de l’exposition Altaerna dissolvent l’individualisme méthodique qui assigne l’être à l’identité. Les termes qui ont pour racine alter — altérer, altération, alternative — sont par ailleurs associés aux idées de changement d’état, de succession, d’opposition et de choix, activant ainsi leurs propres métamorphoses et métaphores du désir. Quand le latin altar évoque à la fois « l’élévation » et la « profondeur », mais aussi la « nourriture » (alere, alimenter). Dès lors, il ne s’agit pas de penser une humanité augmentée par la technologie ni même une humanité arrivée à échéance — posthumaine ou transhumaine —, à l’instar de la Singularité. Mais de basculer de l’autre côté du rêve des entreprises en traçant des trajectoires alternatives, voire improbables, seules à même de s’extraire des boucles de capture du « réalisme capitaliste ».

    Marion Zilio, Critique d'art et commissaire d'exposition

    Octobre 2024

    (1). Le terme noosphère est dérivé des mots grecs noûs, « l'esprit » et sphaira, « sphère », par analogie lexicale avec atmosphère et biosphère. Introduit en 1922 par Teilhard de Chardin, le néologisme désignait une sorte de « conscience collective de l'humanité » qui regroupe toutes les activités cérébrales et mécaniques de mémorisation et de traitement de l'information.

  • Scories et stories

    Sans doute avez-vous déjà croisé ou utilisé un sticker, un filtre ou un GIF animé, signé Anne Horel ? Présente sur les réseaux, collaborant régulièrement avec les grandes plateformes du Web ou les versions beta des générateurs d’images tel que Dall-e, l’artiste française renouvelle le champ de l’art contemporain de même que la réflexion sur les mémoires du futur à l’heure de l’essor des technologies créatives assistées.

    Dès 2008, l’étudiante aux beaux-arts de Cergy s’empare des réseaux sociaux comme médium de création à part entière, produit des clips et de courtes vidéos, sous l’œil médusé de ses professeurs qui lui opposent que ce n’est pas de l’art. Pourtant l’histoire avait depuis longtemps tranché le débat. En institutionnalisant les ready-made en 1917, l’art contemporain ne cesserait plus d’outrepasser les limites ne répondant bientôt d’aucun critère, ce qui en ferait son premier critère. Héritière de Duchamp, des retournements de valeurs opérés par la pop culture, et désireuse de se saisir des nouveaux médias, Anne Horel comprend d’emblée que l’esthétique de demain se ferait, aussi, sur Internet et la logique du capitalisme tardif. Très vite, le succès est au rendez-vous, l’artiste décolle en postant du contenu sur Vine jusqu’à ce que ses œuvres, sa fame et sa crypto, ne disparaissent du jour au lendemain avec la clôture de la plateforme. Se pose alors, pour Anne Horel, la question de la mémoire et des traces, nombreuses et fragiles, que nous laissons. Comment les stars adulées d’aujourd’hui seront-elles perçues dans 2000 ans ? Sur quelles bases les générations futures établiront-elles les récits de notre civilisation en déclin ? Le monopole de l’histoire et de la conservation n’est plus l’apanage des musées et des bibliothèques, les banques de données y pourvoient, tandis que les IA deviennent les gardiennes de ce nouveau temple de la vie et de la mort, de la présence physique et des avatars, du réel et du virtuel, où tout se contamine, sans hiérarchie ni cohérence.

    « Si ce sont les plumes qui font le plumage, ce n’est pas la colle qui fait le collage »

    Anne Horel est une collectionneuse, une accumulatrice d’images, d’objets et de fétiches de notre époque contemporaine. Chez elle, les murs sont constellés, les tables encombrées ; de petits autels émergent de toute part. Et, dans cette accumulation/consommation frénétique, elle opère des rapprochements, des collisions, des disjonctions fécondes.

    Si les artistes au XXe siècle ont amplement expérimenté l’art du collage, déjouant ainsi la linéarité construite du réel, force est de constater que le XXIe siècle est devenu lui-même un gloubi-boulga globalisant. Alors que le postmodernisme se jouait des tensions entre Haute et Basse culture, la logique qui prévaut désormais est celle d’un monde TikToké, où défilent pêle-mêle des contenus hétéroclites de chats, de stars, de gâteaux régressifs ou d’ASMR. Si le mélange est total, les télescopages improbables et le rythme fracassé, les intentions ont changé. Car le réseau est devenu artiste, ou plutôt, les algorithmes générés dans les bureaux climatisés de la Silicon Valley. En une décennie, les milliards de contenus postés chaque jour par les usagers auront engendré une esthétique bigarrée à même d’augmenter la réalité, en nourrissant le ventre boulimique des IA.

    En faisant des réseaux et des générateurs d’images, ses matériaux de prédilection, l’artiste plutôt que de redoubler le « chaos organisé » tente de donner forme à l’hétérogène. Non pas pour lui insuffler une prétendue unité ou clôture, mais pour recouvrer ce qui, dans les technologies digitales, nous relie, malgré tout, aux autres et au monde.

    Le cloud et le câble

    Nourrie de mythologie, de cartomancie et de spiritualité, l’œuvre d’Anne Horel donne corps à des « créatures », sortes de monstres ou de « demi-dieux », ainsi qu’elle les nomme elle-même. Il faut voir dans ces visages hybrides, devenus sur-faces d’inscription de signes et de traces, le témoignage d’une époque dont les icônes artificielles ont remplacé les divinités d’antan. Rappelons que les avatars désignent, en sanscrit, « la descente sur terre d’êtres supraterrestres » pour maintenir l’harmonie cosmique. De même, les créatures d’Anne Horel sont l’incarnation de tout ce qui prend vie dans le cloud, tout en étant relié par de multiples câbles sous-marins ou Ethernet à la vie terrestre, tel un cordon ombilical. En animant ces entités « câble-connectées » d’une respiration ou d’une voix, elle leur insuffle une psyché, une âme, ou les fait sortir de l’écran en les modélisant en argile de ses doigts. Dans un autre registre, ses créatures microMACRO, aux allures de peluches cosmiques, endossent des fonctions protectrices ou guerrières, comme des doudous réconfortant au seuil d’un monde promis à l’effondrement. Aussi pourrions-nous voir dans ces « datadéités » – mélanges d’icônes virtuelles et actuelles – une sorte de conscience collective née des entrailles de la matrice, des fibres et du cloud. Elles sont en cela les résidus de nos propres traces digitales, tout à la fois monstrueuses et enivrantes, porteuses de nos croyances, de nos angoisses et de nos fantasmes.

    Autels de mémoire

    En déplaçant son art sur les réseaux, Anne Horel élargit les publics, elle détourne également de l’intérieur les outils de production des plateformes, mais elle prend aussi le risque de l’impermanence et de l’évanouissement des archives dans les limbes des stories. Son art est ainsi devenu le reflet des flux et des reflux du Web, du ventre de la matrice. D’où cette avalanche de burgers, de pizzas, de foodporn jusqu’à l’overdose : le fast·e se décline alors en plusieurs langues. De l’anglais, nous retiendrons l’idée de fast-food et le sentiment d’une accélération sans limite, et du français une culture de l’apparat, à l’image des perles et des colliers qui ornent ses demi-dieux. Son art échafaude en cela des « autels de mémoire », autrement dit des espaces de vénération et d’idolâtrie qui, selon l’étymologie du mot autel, offrent de « l’élévation » et de la « profondeur », altara, à ce qui est plat ou écranique ; de même qu’ils apportent, alere, de quoi alimenter, sustenter les divinités. L’ambivalence est à son comble dès lors que l’on sait que l’artiste est vegan depuis des années.

    Les temples ou palais de mémoire d’Anne Horel accueillent sur ses carreaux de faïences ou ses papiers peints, telles les mosaïques ou les fresques de Pompéi, les vanités et les natures mortes de notre contemporanéité. Dans un style hérité des grands maîtres de l’histoire de l’art, l’artiste renverse les valeurs au profit d’une vision kitsch surchargée, où le merch et les goodies s’invitent aussi dans le bal des souvenirs. Car si le kitsch évoque le mauvais goût, il signifie littéralement « ramasser des déchets dans la rue ». Or ce sont par ces derniers que les archéologues reconstituent l’histoire.

    De sorte qu’il faut voir dans son œuvre, une volonté de prendre soin de la masse des scories et des stories que nous laissons, car ces dernières sont toujours susceptibles de disparaître et avec elle, ce qui fait notre humanité.

  • Il est d’usage d’épier, l’œil suspicieux, le discours sceptique et peu amène, les formes et les empreintes qu’une génération commence à dessiner, les configurations qu’elle s’approprie et les attitudes qu’elle adopte. Celle des années 80 construit aujourd’hui les modèles de son temps, de son espace, de ses zones d’action et les lieux de son prêche. Anne Horel s’intéresse à cette genèse qui s’écrit sous ses yeux distraits, paraphrase les paroles de cette génération et fait de son temps la matière première d’une étude de cas qu’elle décline, déchire, attaque, et détourne. Juge et partie du phénomène placé à l’étude, l’artiste se présente, « marquée du sceau de la culture du zapping, symptomatique d’une génération passerelle post-bogue informatique ». Son abécédaire scanne le vocabulaire contemporain -disgracieux aux oreilles du précieux - qui ne s’embarrasse pas de la syntaxe en déifiant plutôt le mot et la formule, et dont les slogans résonnent aux sons de « ta mère », « lol », et « mdr ».

    Les outils d’Anne Horel, dont elle use à tort et à travers sont les matériaux offerts sans ordre ni hiérarchie à l’individu contemporain. De phrases soigneusement récoltées sur facebook l’artiste compose les paroles d’une chanson qui pourrait faire hymne (I’m a floating being), d’une récolte effrénée d’images, chassées au détour de pages d’un mauvais papier glacé pour lecture populaire et voyeuriste, elle extrait le détail, l’icône, de préférence blonde, qui nourrit les fantasmes les plus vifs d’un lectorat en quête de procuration visuelle (Mandalas, Collages). L’artiste pastiche une iconographie, la révèle, l’extrait, l’amalgame, la livre, dessinant là les contours d’une poésie contemporaine, rappelant les velléités chromatiques du pop-art et les confrontations visuelles de dada.

    Au sein de cette étude déployée sur le ton de l’humour, se trouve l’individu, placé sur l’autel de sa gloire, et de sa médiocrité. Ce dernier, qui semble aujourd’hui trôner au sommet d’un règne sans partage, étalant son existence et ses prétentions à la postérité sur de vastes réseaux largement médiatisés, constitue une des inspirations privilégiées de l’artiste. Elle examine les moindres faits et gestes offerts, impudiques, au regard curieux de spectateurs qui, légitimes voyeurs, se voient rassasiés. Des collages, des textes, apparaît une délectation pour les temples de l’auto-congratulation, des lieux et places du sacre individuel contemporain que sont facebook et autres programmes télévisés à large audience.

    Le terreau du travail plastique d’Anne Horel est celui de l’insatiabilité d’une société de se raconter à elle-même. Civilisation baignée d’icônes, de fantasmes hérités d’une foi sans entrave pour l’objet et son abondance, d’une boulimie d’images supposées refléter les conséquences bénies d’une consommation effrénée. L’artiste produit d’ailleurs les images comme elle les consomme, frénétiquement. En associant, transcendant, et amalgamant, Anne Horel nous figure l’homme à l’ère de sa reproductibilité technique.