Je disparais en elle, 2023, huile sur toile, 200 x 140 cm, crédit photo Emeline Degraeve
“La couleur et son aspect sont évidemment inséparables.” Emeline Degraeve
Partant de scènes quotidiennes qui semblent banales, de mises en scènes ou de photographies d’archives personnelles par le traitement de la peinture, je tente de décaler ces moments dans un autre espace-temps. Les personnes semblent submergées dans une atmosphère étrange, perdues dans une immensité. Souvent, il semble qu’un événement capte l’attention de la personne peinte : elle est comme happée par une source lumineuse forte, provenant d’un objet ou d’un élément naturel. C’est donc le travail sur la puissance de la lumière, des couleurs, et sur les contrastes qui m’intéresse. Lorsque je peins le corps de mes personnages, je pense à une peau qui diffuse de la lumière, à un corps dont émane de la chaleur, de l’énergie.
[...] Je ne peins pas le portrait de quelqu’un spécifiquement, afin que nous puissions nous projeter en elle/lui : je peins une personne, qui peut être moi ou ne pas être moi, qui peut être quelqu’un que je connais ou non, je me vois en elle, je me projette en elle. Ainsi, le rapport à une identité spécifique n’est pas important pour moi : les traits du visage ne sont pas définis, ces êtres apparaissent dans certains cas comme de simples silhouettes. Cette non-distinction identitaire laisse la liberté d’imaginer, de se projeter, de se questionner. Si peu de choses semblent se passer au sein de la toile, nous sentons que les êtres représentés sont dans des moments de contemplation, d’introspection. Ils se perdent dans leur esprit, dans leurs pensées et/ou dans l’espace dans lequel ils sont immergés. Toutes ces scènes suggèrent une certaine solitude : les personnes sont souvent seules, à la fois physiquement, mais également mentalement. Cependant, elles existent ensemble : même si elles ne semblent pas communiquer, des dialogues ‘’muets’’, conversations se nouent. Elles se retrouvent dans leur solitude peut-être : elles l’expérimentent seules, mais comprennent la solitude de l’autre. La solitude étant à la fois quelque chose qui nous lie et nous délie tous. Elles flottent seules dans leur monde, mais leur introspection les réunit. Elles sont des êtres pensants, des êtres cérébraux.
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Emeline Degraeve